Les bonbonnes de gaz sont largement utilisées dans les maisons. Mais ces bouteilles sont également sources de plusieurs dangers, créant ainsi une certaine psychose chez les usagers. Comme en témoigne la récente explosion de gaz, qui s’est produite à Liberté 6, occasionnant des pertes en vies humaines.
Par Pathé NIANG (Stagiaire)
Il est 11 h à Grand Yoff. C’est le moment indiqué pour la cuisson du « Cebu jën » (plat de riz au poisson inscrit, depuis le 15 novembre 2021, au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco). Des coups de mortier résonnent jusqu’à l’entrée de la concession des Diop. Au rythme saccadé, ces coups secs guident nos pas jusqu’à la cuisine, située dans l’arrière-cour de la maison. Assise sur un banc de fortune, près d’une bonbonne de gaz sur laquelle est posée une marmite, Astou, la mine circonspecte, s’attelle à égruger du poivre.
Cette jeune dame qui semble peu intriguée par l’odeur âcre qui se dégage de la cuisine, affirme utiliser les bouteilles de gaz avec minutie. « Je prends toutes les précautions nécessaires lorsque je cuisine avec les bonbonnes de gaz puisque je cuisine tous les jours avec. Je suis consciente des dangers qui me guettent. C’est risqué de jouer avec le feu », lâche Astou sur un ton un peu moqueur. Elle précise tout de même, qu’elle n’a jamais eu d’incidents avec les bonbonnes. D’ailleurs, elle affirme pouvoir reconnaître les bouteilles de gaz défectueuses. « Je redoute certaines bouteilles de gaz, car je pense qu’elles sont la source de nombreux incidents que nous voyons actuellement. Récemment, je suis partie pour recharger ma bonbonne. Il y avait une dame qui voulait en faire de même, mais le charretier a catégoriquement refusé de prendre sa bouteille », explique Astou, exhortant toutes les mères de famille à faire attention à certaines bouteilles de gaz.
À quelques pâtés de la concession des Diop, deux personnes gesticulent et discutent au bout de la rue. Ces deux mères de famille, aux visages gais, embouchent la même trompette. En effet, elles pointent du doigt certaines bonbonnes de gaz. « J’ai vu un communiqué, dont la source reste à vérifier, qui interdit l’utilisation des bouteilles de gaz de cette couleur. J’ai même vu une vidéo virale qui nous mettait en garde contre l’utilisation de ces bouteilles de gaz », déclare, l’une des deux dames qui préfère être sous le saut de l’anonymat.
Son amie, qui se tient à côté d’elle, dénonce, à son tour, la naïveté de certaines personnes qui utilisent les bonbonnes de gaz. Selon elle, ces bonbonnes de gaz, aussi importantes soient-elles, peuvent causer des dégâts « irréversibles ».
« Nous devons prêter une attention particulière aux bonbonnes de gaz qui se trouvent dans nos maisons. Il faut vérifier s’il y a une fuite ou pas. Mais certaines personnes ne le font pas, Elles doivent comprendre qu’elles courent des risques énormes si elles ne font pas ce travail de vérification », soutient la mère de famille sous le couvert de l’anonymat.
Ces bonbonnes, qui sont devenues incontournables pour certains, peuvent, cependant, causer des accidents dommageables. Mais elles ne sont pas les seules causes d’explosion. Les becs défectueux peuvent également être sources de problème.
Des becs à gaz défectueux
Confortablement assis sur le bas-côté de la route principale du marché Grand Yoff, Doudou Mbengue vend des bonbonnes de gaz et des becs. Le sieur répare également des becs défectueux. Devant lui, se dressent trois rangées de bouteilles de gaz superposées sur lesquelles sont accrochés des becs à gaz. Ce réparateur manifeste une certaine désinvolture dans ces explications. En effet, il s’érige en expert des scènes d’incidents qui ont un rapport avec les bonbonnes de gaz et les becs défaillants. « Beaucoup de gens viennent me demander de l’aide lorsqu’ils ont des problèmes chez eux. Et je règle le problème vaille que vaille », lâche Doudou. Ce vendeur affirme sans ambages que la plupart des accidents sont causés par la défaillance des becs. « Les becs de mauvaise qualité sont la source du problème. Il faut savoir que ces becs défectueux sont fabriqués à base de matériaux qui peuvent fondre facilement sous l’effet de la chaleur. C’est ce qui cause les accidents », explique Doudou Mbengue. Ce vendeur de bonbonnes de gaz, confie ouvertement qu’il refourgue des becs de mauvaise qualité et il n’est pas pour autant inquiéter. « Les becs coûtent entre 1.000 FCfa et 4.500 FCfa. Le prix dépend de la qualité. Il y a des clients qui sont avares et préfèrent économiser de l’argent en achetant des becs dont la qualité laisse à désirer. Par contre, il y en a d’autres qui n’ont pas les moyens de se procurer les becs qui coûtent par exemple 4.500FCfa », déclare le réparateur sans tiquer.
MOMATH CISSÉ, VICE-PRÉSIDENT DE L’ASCOSEN
« Des sanctions doivent être prises en cas de défaillance »
Le vice-président de l’Association des consommateurs du Sénégal (Ascosen), Momath Cissé, joint par téléphone, soutient que pour éviter que pareils incidents ne se reproduisent l’Association sénégalaise de normalisation (Asn) doit veiller à la normalisation des filetages de la bonbonne de gaz. Certains fabricants, dit-il, tentent sciemment de modifier les filetages des bouteilles de gaz.
Outre la normalisation des filages, M. Cissé estime également que les brûleurs importés doivent, selon lui, répondre à certaines exigences qui concourent à la sécurité des usagers. « Nous ne pouvons pas laisser entrer des brûleurs défectueux. La bonbonne et les brûleurs doivent être normés et nous avons une association qui peut le faire, en se référant sur la norme internationale », renseigne-t-il.
Momath Cissé informe qu’il existe une norme sur les bonbonnes de gaz depuis 2015. Son application étant volontaire, il appartient au ministère du Commerce, dit-il, de la rendre obligatoire. À cet égard, le vice-président invite l’Association sénégalaise de normalisation, à saisir le ministère du Commerce qui devrait, à son tour, prendre un arrêté rendant les deux normes obligatoires. « Des sanctions doivent être prises en cas de défaillance constatée dans le respect de ces normes, car il existe une base légale. C’est ce qui réglera le problème », avance-t-il, en rappelant qu’aucune sanction ne pèse, jusque-là, sur les fabricants qui ne respectent pas les normes édictées. P. NIANG
Source : https://lesoleil.sn/accidents-domestiques-lies-au-...